Le terme «voix» est un mot assez polysémique et complexe, qui renvoie à plusieurs conceptions différentes. D’un point de vue le plus basique possible d’abord, la voix désigne les sons produits par les vibrations des cordes vocales (c’est l’émission vocale). Mais elle peut aussi définir une force incantatoire (dans le chant et la musique par exemple), ou bien un style vocal (c’est-à-dire les mots, la parole, ainsi que la personne qui parle).
La voix est donc un élément fondamental de notre vie. En effet, bien avant de pouvoir mettre nos pensées en paroles, nous avons exprimé nos sentiments par des cris, des grognements, des sanglots, des rires, des chants. Quand les mots nous manquent, nous recourons au langage universel des sons.
En outre, notre voix est notre carte d’identité vocale : elle est unique (c’est par notre «allô» que l’on nous reconnait au téléphone par exemple) et personnelle (le timbre et la couleur de la voix sont propres à chacun). Elle traduit et exprime notre vécu, nos ressentis, nos intentions, notre qualité de présence ou d’absence, et l’on se fait souvent une idée préconsciente de son interlocuteur en percevant le ton, le rythme, ou l’énergie de sa voix. Cela en dit long sur l’impact qu’a et que peut avoir une voix.
Notre voix est donc un élémentcapital, qui nous suit, pour la plus grande majorité d’entre nous, depuis notre naissance jusqu’à notre mort, et dont nous pouvons disposer à notre guise. Notre « instrument voix » est disponible à tout moment et transportable à merci puisque nous nous déplaçons avec lui constamment.
Cependant, il ne faut pas pour autant oublier de s’en soucier, d’en prendre soin et de l’entretenir. En effet, une parole, un ton de bonne qualité s’appuient sur l’équilibre entre la soufflerie pulmonaire, le vibrateur-larynx et les résonateurs (pharynx, cavité buccale, naso-pharynx et fosses nasales). C’est ce que l’on nomme «l’accord phono-résonantiel», qui peut être soumis à des contraintes, des résistances et des tensions diverses. Il s’agit donc d’un véritable mécanisme, complexe, auquel il faut être très attentif.
Mais au-delà de cela, la voix est un facteur incontournable de la communication. Dès lors que l’on utilise notre voix pour nous exprimer, on entre en relation avec une autre personne, en lui faisant part de nos intentions, de nos sentiments à travers divers sons et vibrations. D’ailleurs, certains instruments comme le tambour, le bol tibétain, la Shruti Box, ou la double flûte amérindienne par exemple, favorisent cette expression et cette mise en relation avec les autres.
L’Expression vocale, un chemin vers le bien-être ?
Dans les croyances asiatiques, le centre de l’expression et de la communication se trouve au niveau du chakra de la gorge (le cinquième chakra) et est un lieu de passage qui nous aide à extérioriser tout ce qui existe en nous.
L’expression vocale permet ainsi de dénouer les tensions, et aide à renforcer l’ancrage et la verticalité. Quand l’expression vocale s’effectue devant un groupe de personnes (et même en individuel), il s’agit d’oser prendre sa place sans se juger soi-même et sans être dans la peur du jugement de l’autre. C’est effectivement un acte de mise à nu sans pareil, et un véritable tremplin pour accéder à ses émotions. Il s’agit simplement d’oser se lancer et de laisser faire les choses. Peu importe le résultat : ce qui va émerger ouvrira un passage, celui du renouveau.
S’exprimer vocalement peut donc aider à accéder à une certaine forme de bien-être, mais aussi à libérer de la souffrance qui ne sait comment se dire.
En effet, le corps est engagé dans la parole. Parfois, on peut facilement percevoir une voix qui nous paraît très désagréable, qui nous agresse les oreilles ou bien qui crée en nous une impression de vide. Il existe donc un lien entre expression vocale et résonance corporelle, comme il existe un autre lien entre tensions musculaires et tensions psychiques.
Essayer de parler ou de chanter juste reviendrait donc à essayer de prêter une oreille attentive à nos résonances corporelles, pour tenter de s’exprimer de la manière la plus juste possible. Finalement, il s’agit de s’accorder à soi-même, de mieux se connaître, mieux se comporter et mieux s’écouter, se sentir, pour s’accorder ensuite avec les autres.
En fait, la voix est composée de six paramètres : la hauteur, l’intensité, le timbre, le souffle, la durée, la fluidité, et, bien entendu, les émotions. Tous peuvent altérer la qualité de notre voix. Mais que serait la voix sans les émotions ? Les émotions donnent vie et relief à la voix, qui se colore au gré de nos joies et de nos tourments. Effectivement, le chant contient tout ce que nous sommes (notre passé, notre présent, notre à-venir, notre vécu et notre désir), et entre en résonance avec tout ce qui nous entoure, c’est-à-dire notre origine et notre vision de l’avenir.
Il est donc essentiel de prendre le temps d’accueillir et d’accepter ce qui est déjà là, de laisser émerger nos émotions sans se censurer, de s’autoriser à dire, à résonner, à chanter, à vibrer, à apprivoiser sa voix pour la laisser s’harmoniser avec l’instant présent. Cela procure un sentiment de confiance si l’on se donne le temps d’être sa voix : une sensation d’être vivant, d’entrer en relation avec ce qui nous entoure, et d’être en harmonie avec soi-même, apaisé(e).
Trouver sa place : espace et relation à l’autre
L’acte vocal est, fondamentalement, une mise en relation, car à travers l’acte vocal on s’adresse à l’autre, aux autres. S’exprimer, ce n’est donc pas seulement communiquer par des sons, c’est aussi prendre sa place dans l’espace pour entrer en relation avec les autres, c’est avoir le désir de s’épanouir.
Or, la respiration, ainsi que la pensée, jouent un rôle fondamental dans cette capacité à pouvoir prendre sa place. Une pensée envoie des informations au corps et va précéder l’expression qui s’adresse à l’autre, et qui passe donc par l’envie ou non de communiquer. La manière dont on va s’exprimer jouera un rôle essentiel dans la façon dont on va toucher l’autre, qui reçoit nos états émotionnels.
Par exemple, une voix médium est signe de stabilité; mais lorsque notre pensée n’est pas en accord avec notre parole, par exemple lorsque l’on ne dit pas la vérité, elle va se déplacer vers le grave ou l’aigu. On peut alors parler de dissonance.
C’est donc par la voix, bien plus que par nos paroles, que s’expriment nos intentions, nos pensées véritables. Par conséquent, il est absolument nécessaire de développer une relation de conscience entre soi-même et les autres, afin de retrouver une communication vocale équilibrée, et qui s’effectue dans le respect de chacun. En fait, il s’agit d’être présent pour l’autre et pour soi.
Or, être présent pour soi et pour l’autre, dans un contexte de communication, c’est écouter le silence qui précède l’acte vocal. En effet, il n’y a pas de production vocale ni de son sans silence. Ainsi, l’autre, par sa présence et son écoute disponible, aide celui ou celle qui parle à prendre corps, pour devenir dans l’instant une personne réellement capable de partage et de communication.
La magie de la voix et la question de son évolution :
Parfois, il arrive qu’à travers notre expression vocale, qu’elle soit chantée ou bien mise en mots, on ressente une facilité exacerbée, comme si nous avions tout partagé, transmis aux autres, grâce à une communication parfaite, sans pour autant avoir fait quelque chose de particulier pour cela. C’est ce que l’on peut appeler la «voix vraie», celle qui traverse le corps et ne fabrique pas, la voix sans artifice, un mélange de simplicité et d’authenticité, émise dans un espace où tout peut circuler.
Il existe différentes méthodes pour appréhender le travail vocal, mais il est capital de toujours garder à l’esprit que le chant est une extension de la parole. Ainsi, un accompagnement vocal de qualité devrait prendre en compte à la fois les trois étapes de la phonation (soufflerie, larynx, résonateurs), les six composantes de la voix, et la posture, c’est-à-dire l’attitude, ainsi que l’écoute liée à l’affect.
Travailler la voix et enseigner le chant revient donc à effectuer un parcours de découverte, comme un jeu de piste dont on ne connaîtrait pas nécessairement la solution des énigmes. Un voyage qui, en définitive, touche à l’intériorité, à travers le ressenti et l’accueil dans l’instant présent.
Les méthodes, qu’elles fassent appel aux cours de chant, au coaching vocal, à la psychopédagogie vocale, à la thérapie vocale, ou bien aux techniques de guérison par la voix, doivent, dans l’idéal, toutes offrir au participant un certain plaisir de faire et un cadre sécurisant.
Et celui ou celle qui accompagne devrait également être à l’écoute des différents besoins et des attentes diverses de l’élève, et proposer une mise en perspective. Effectuer un lien entre la dimension émotionnelle, corporelle et pédagogique de la voix doit être au cœur de la préoccupation d’un formateur en expression vocale tourné vers la relation d’aide, puisque c’est par lui que passent toutes les informations pour tous ceux qui se questionnent à propos de la voix.
Article écrit par Devi Arnold
Références:
Ivan Fonagy, Voix et psyché