Dans la conception traditionnelle chinoise, la diététique est l’art de se nourrir en fonction de sa constitution de naissance, de son état de santé, des propriétés des aliments et des saisons. La diététique participe à la santé de l’individu, de manière préventive et curative. La santé est envisagée sous le triple point de vue énergétique, physique et spirituel comme la capacité à réaliser à tout instant un équilibre dynamique avec l’environnement interne et externe.
La diététique chinoise intervient pour contribuer à réaliser cet équilibre, en harmonie avec les quatre autres pratiques fondamentales de la Médecine Traditionnelle Chinoise, qui sont les exercices énergétiques (Qi Gong), la pharmacopée, le massage (Tui Na) et l’acupuncture.
Principes de la diététique chinoise traditionnelle:
Si en Occident, la notion d’équilibre alimentaire est répandue depuis longtemps, elle repose généralement sur les propriétés physico-chimiques des aliments: protéines, lipides, glucides, vitamines, etc. et sur le principe d’égalisation des dépenses et des apports en calories.
En Orient, la notion d’équilibre alimentaire prend davantage en compte l’effet énergétique spécifique de chaque aliment sur l’ensemble des fonctionsvitales : l’alimentation a pour but de nourrir le Jing (l’énergie vitale de naissance), de combler le Qi (l’énergie circulante de transformation) et de faire prospérer le Shen (l’énergie organisatrice, psychique et émotionnelle).
L’équilibre énergétique de l’individu étant perpétuellement remis en balance par les variations ou événements intérieurs et extérieurs, l’alimentation doit être en permanence ajustée pour conserver l’organisme dans un état réactif et adaptatif. C’est pourquoi il s’agit d’un véritable art de vie dont l’esprit mérite d’être transmis dès le plus jeune âge.
De même que la pensée chinoise ancestrale ne sépare pas fondamentalement le macrocosme du microcosme, l’intérieur de l’extérieur, ou l’individu de son environnement, elle ne sépare pas non plus les notions d’aliment et de médicament, de prévention et de thérapeutique, ou plus largement d’énergie et de matière ou encore de corps et d’esprit. Tous ces éléments sont en relation, leur équilibre engendre la vie et la mort.
En pratique:
Les aliments sont choisis selon leurs propriétés et qualités, avant d’être agencés et préparés en fonction de l’état de la personne et du contexte de leur absorption. Voyons ci-dessous ce que cela veut dire:
Propriétés et qualités des aliments en diététique chinoise:
Vitalité: qualité énergétique d’un aliment. L’aliment doit être le plus frais possible, le plus proche possible de sa forme vivante. Il doit provenir lui-même d’un organisme en bonne santé.
Nature: effet plus ou moins yin ou yang d’un aliment. En diététique chinoise, les aliments sont classés selon leur effet “échauffant” ou “rafraîchissant” sur les fonctions physiologiques. Un aliment peut être désigné comme froid, frais, neutre, tiède, ou chaud, indépendamment de sa température au moment de l’absorption.
Saveur: propriété gustative et tonifiante d’un aliment. Chaque saveur nourrit une fonction vitale (représentée par un organe-type en médecine chinoise, bien que la notion asiatique d’organe soit fondamentalement différente de celle utilisée en Occident) et entraîne une activité spécifique. Toute dysharmonie des saveurs, ou disproportion entre elles dans l’alimentation (excès, carence) entraîne un déséquilibre physique et énergétique dans une fonction vitale, qui s’étend progressivement à l’ensemble des fonctions de l’organisme. Un aliment peut être désigné comme piquant, doux, amer, acide, ou salé.
Tableau des relations entre les Saveurs, les Organes et les Éléments selon la diététique chinoise
Forme: couleur, consistance, hydratation d’un aliment. On s’intéresse ici à la couleur (vert, rouge, jaune, blanc, noir), à la consistance (dur, fibreux, charnu, croquant, mou) et au degré d’hydratation (humidifiant ou asséchant) de l’aliment.
– L’harmonie des couleurs stimule l’appétit et favorise donc la digestion, tout en constituant une aide visuelle pour l’élaboration d’un repas équilibré.
– La consistance des aliments influe sur la mastication et l’insalivation, qui conditionnent elles-mêmes l’assimilation et la digestion, elle est donc liée de manière déterminante à la physiologie de l’individu tout au long de sa vie.
– De la proportion entre les aliments humidifiants et desséchants dépend la qualité et la quantité des liquides et fluides organiques. L’excès comme la carence en humidité dans l’alimentation engendrent des troubles de santé.
Autres éléments-clés de la diététique chinoise:
La provenance: les aliments d’origine locale sont les plus adaptés, pour le terrain de culture comme pour le terrain de l’individu.
Le contexte: le climat, la saison, l’heure du repas influent sur l’impact de chaque aliment sur l’organisme.
La préparation: le mode de prélèvement, de coupe, de conservation, de cuisson ou de préparation de l’aliment (fermentation, écrasement, séchage…) modifient son assimilation.
Le cadre: l’ambiance matérielle (lieu) et émotionnelle du repas joue aussi un rôle non négligeable. Les 9 règles de diététique chinoise recommandent de manger par faim, avec régularité, modération, concentration, plaisir, dans un esprit calme, de bien mâcher, et d’améliorer sa digestion par des auto-massages et une marche après le repas.
L’individu: la constitution de naissance du mangeur, ses habitudes alimentaires ainsi que son état de santé physique, psychique, émotionnel et énergétique passé et présent sont systématiquement pris en compte dans le choix et le mode de préparation des aliments. En cela, la diététique chinoise est un art plus qu’une science, car elle est tout à fait personnalisée, extrêmement adaptative et non dogmatique.
D’observations et de rapprochements répétés pendant des millénaires, la médecine traditionnelle chinoise a tiré un ensemble d’éléments servant à nourrir la réflexion et l’intuition de toute personne souhaitant conserver sa santé. La diététique est d’abord un art de l’observation, attentive et précise, de son propre organisme (corps et esprit), un art de l’observation patiente et subtile de l’environnement, et un ensemble de saines habitudes de vie liées à une logique simple et vérifiable.
L’abord de la diététique chinoise nécessite un changement de paradigme, car l’aspect énergétique tel qu’il est considéré en Orient n’est jamais pris en compte par la diététique occidentale, que ce soit pour les aliments ou pour l’organisme.
Pour se soigner ou maintenir sa santé par la diététique chinoise, il faut être en mesure d’identifier les déséquilibres dans l’organisme et de comprendre leurs causes. Il est nécessaire pour cela de se former à la pensée traditionnelle chinoise, et d’apprendre à combiner les différents types de pratiques de santé: exercices de respiration et de méditation, stimulations énergétiques, massage ostéopathique, pharmacopée, etc. pour une meilleure efficacité.
Un peu d’Histoire:
Dès la plus haute Antiquité, les Chinois liaient intimement dans leurs observations et leurs pratiques le microcosme au macrocosme. Le corps humain était considéré comme une image de la société des hommes, et le royaume lui aussi organisé à l’image de l’Univers. Le Cœur, l’Empereur et le Soleil occupaient une place centrale et prépondérante au sein de leurs royaumes respectifs, le corps, le pays et la galaxie. Au rythme des saisons, les flux énergétiques et matériels étaient observés et leurs variations équilibrées, dans le but de maintenir la santé de tout élément.
Le médecin chinois était chargé de maintenir la santé des citoyens. Il devait prévenir les maladies au lieu de les guérir. S’il échouait à empêcher la survenue d’un mal, il n’était plus payé et devait “se racheter” en mettant tout en œuvre pour soigner son patient. Le but d’une existence étant l’atteinte de l’éveil, l’alimentation se devait d’assurer à l’homme la plus grande longévité possible pour optimiser ses chances d’y parvenir.
Dès la Dynastie Zhou (1046-771 avant J.C.), l’Empereur était suivi quotidiennement par des shi yi, c’est-à-dire des médecins des aliments. Ces diététiciens se situaient au sommet de la hiérarchie des médecins impériaux.
Le Huang Di Nei Jing, Le Canon Interne de l’Empereur Jaune, le plus ancien livre de médecine chinoise, fut composé à partir de manuscrits médicaux élaborés sous les Royaumes Combattants (403-222 av. J.-C.) et mis en forme sous la dynastie des Han (221 av. JC- 220 ap. J.-C.). Il sert encore de référence de nos jours.
Vers 652 ap. J.-C., sous la Dynastie Tang, le célèbre médecin et alchimiste Sun Si Miao rédige la première encyclopédie médicale chinoise en 30 volumes, le Qian Jin Fang.
«Celui qui ne sait manger ne sait vivre»
Sun Si Miao (541-682, à 141 ans)
De 960 à 1279, sous la Dynastie Sòng, une immense collection de recettes médicales est publiée, qui expose la manière de soigner plus de 300 maladies uniquement par l’alimentation.
Note: cet article est un aperçu des principes de la diététique chinoise. La difficulté de traduction des concepts chinois en français ainsi que le souci de simplification et de concision qui ont présidé à sa rédaction peuvent faire paraître certaines notions imprécises ou incomplètes aux yeux des connaisseurs. Nous vous incitons à effectuer de plus amples recherches pour découvrir les inépuisables richesses de ce sujet.
A propos de l’auteur: Emma DUBOS
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Praticienne enSanté Naturellediplômée à l’Ecole Edonis/EIBEagréée FFMN
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Praticienne enGarbhvatidiplômée à l’Ecole Azenday agréée FFMBE
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Conseillère enPhyto-micronutritioncertifiée parla Health Sciences Academy
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Auteur d’ouvrages pour étudiants en sciences médicales et biologie chezMédicilline
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Fondatrice deSanté Cohérenceet deSoins du Pacifique
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